Mandat pour cause d’inaptitude et directives anticipées du patient

Dans le droit de la protection de l’adulte le principe de l’autodétermination joue un rôle important qu’auparavant. Ainsi, une personne peut déterminer elle-même à l’avance qui défendra ses intérêts et de quelle manière, au cas où elle deviendrait incapable de discernement. Les mesures personnelles anticipées peuvent être prises en constituant un mandat général pour cause d’inaptitude ou des directives anticipées.  

Le présent chapitre éclaire les aspects suivants : quand un mandat pour cause d’inaptitude ou des directives anticipées du patient sont-ils pertinents ? Nous abordons aussi la situation où une personne devient incapable de discernement sans avoir constitué ni mandat pour cause d’inaptitude ni directives anticipées et en décrivons les conséquences.


    Qu’est-ce qu’un mandat pour cause d’inaptitude ?

    En constituant un mandat pour cause d’inaptitude, toute personne capable de discernement et majeure peut charger une personne de confiance d’agir à sa place dès qu’elle devient incapable de discernement et donc incapable d’exercer les droits civils. Le mandat peut être confié à une personne physique ou à une personne morale, telle qu’une banque ou une institution. Le mandant peut aussi désigner un remplaçant pour le cas où le mandataire refuserait ou résilierait le mandat.

    Le mandat peut être général et comprendre l’assistance personnelle, la gestion du patrimoine et la représentation dans les rapports juridiques. Il peut aussi être limité à certains domaines et certaines affaires. Le mandat peut être lié à des instructions concrètes sur la façon dont le mandataire doit exécuter ses tâches.

    Exemple

    Monsieur T. est atteint d’une maladie évolutive qui le handicape de plus en plus sur les plans intellectuel et psychique. Comme il s’attend à ne plus pouvoir s’occuper lui-même de ses affaires dans un avenir proche, il constitue un mandat pour cause d’inaptitude. Il charge son frère de le représenter à tous les égards dès qu’il aura perdu sa capacité de discernement. Avant de constituer ce mandat pour cause d’inaptitude, il discute la question avec son frère et s’assure que ce dernier est prêt à accepter le mandat. Étant donné la relation de confiance qui le lie à son frère, il renonce à formuler des instructions.

    Le mandat pour cause d’inaptitude déploie ses effets seulement lorsque l’incapacité de discernement atteint une certaine durée et que, de ce fait, elle rend nécessaire la représentation de la personne incapable de discernement. Si cette dernière recouvre sa capacité de discernement, le mandat pour cause d’inaptitude cesse de produire ses effets de plein droit. Il peut s’appliquer de nouveau si la personne perd une nouvelle fois sa capacité de discernement.

    Lorsque le mandataire a accepté le mandat pour cause d’inaptitude, il ne peut le résilier que moyennant un délai de 2 mois, en informant par écrit l’autorité de protection de l’adulte, sans devoir cependant indiquer de motifs. En revanche, la résiliation avec effet immédiat du mandat n’est possible que pour de justes motifs.

    Comment constitue-t-on un mandat pour cause d’inaptitude ?

    Les conditions concernant la forme sont strictes : le mandat pour cause d’inaptitude doit être écrit à la main en entier, daté et signé, sinon il n’est pas valable. Une autre solution est de faire authentifier le mandat, par ex. par un notaire. La procédure d’authentification est réglée différemment d’un canton à l’autre.

    La personne qui a constitué un mandat pour cause d’inaptitude peut demander à l’officier de l’état civil d’enregistrer la constitution et le lieu de dépôt du mandat. Il est toujours recommandé de procéder à cet enregistrement. Il est également judicieux de confier une copie du mandat à la personne mandatée.

    Le mandat pour cause d’inaptitude peut être révoqué en tout temps, aussi longtemps que le mandant est encore capable de discernement. Cette révocation peut être faite par la personne elle-même, par un acte authentique ou par la suppression de l’acte.

    Quel rôle incombe dans ce domaine aux autorités de protection de l’adulte ?

    Lorsque l’autorité de protection de l’adulte apprend qu’une personne est devenue incapable de discernement, elle doit tout d’abord contrôler s’il existe un mandat pour cause d’inaptitude.

    Elle doit ensuite examiner si le mandat a été constitué valablement, si l’incapacité de discernement dure véritablement depuis un certain temps, si le mandataire semble apte à remplir le mandat et s’il est prêt à l’accepter. Si elle parvient à la conclusion que toutes ces conditions sont remplies, l’autorité remet au mandataire un document qui lui permet de justifier son mandat envers des tiers. L’autorité de protection de l’adulte rend le mandataire attentif aux devoirs et droits liés au mandat. Elle peut aussi fixer une indemnisation appropriée si cela apparaît justifié au regard de l’ampleur des tâches à accomplir.

    Exemple

    le frère de Monsieur T. s’aperçoit que celui-ci ne peut plus s’occuper lui-même de ses affaires, car il est de plus en plus désorienté. Il en informe l’autorité de protection de l’adulte et signale l’existence d’un mandat pour cause d’inaptitude. L’autorité de protection de l’adulte examine les conditions et remet un document au frère de Monsieur T. Ce document permet à celui-ci de prouver aux banques sa qualité de représentant de Monsieur T. et de payer les factures. Le frère de Monsieur T. renonce à être indemnisé pour ses tâches.

    Si l’autorité de protection de l’adulte parvient à la conclusion que les intérêts de la personne devenue incapable de discernement sont compromis ou ne sont plus sauvegardés, elle prend les mesures nécessaires (par ex. institution d’une curatelle). Ce cas peut se produire lorsque le mandat pour cause d’inaptitude n’a pas été accepté ou qu’il a été résilié, lorsque le mandataire est dépassé par ses tâches ou lorsqu’il existe des conflits d’intérêt.

    Un mandat pour cause d’inaptitude est-il également pertinent dans le cas de personnes mariées ou vivant sous le régime du partenariat enregistré ?

    Pour les personnes mariées et pour celles qui vivent sous le régime du partenariat enregistré, la constitution d’un mandat pour cause d’inaptitude n’est pas absolument nécessaire. En effet, dans ce cas, la loi prévoit un pouvoir de représentation : lorsque l’un des époux ou partenaires devient incapable de discernement, l’autre peut le représenter. Toutefois, ce droit de représentation existe uniquement quand la relation est effectivement vécue, c’est-à-dire quand le couple fait ménage commun ou (en cas de séjour dans un home) lorsque le ou la partenaire de la personne incapable de discernement lui prête régulièrement et personnellement assistance.

    Le pouvoir légal de représentation porte sur les actes juridiques habituellement nécessaires pour satisfaire les besoins de la personne incapable de discernement, sur l’administration ordinaire de ses revenus et de ses autres biens. Le droit d’ouvrir le courrier existe dans la mesure où il est nécessaire de prendre connaissance de la correspondance pour s’acquitter des tâches. S’il est nécessaire d’accomplir des tâches allant au-delà de l’administration ordinaire des revenus et des biens, il faut demander le consentement de l’autorité de protection de l’adulte.

    Exemple

    Madame W. est victime subitement d’un grave accident vasculaire cérébral. Elle est paralysée et ne peut plus s’exprimer oralement. Elle n’est plus capable de discernement et vit dans un établissement médico-social. Son mari lui rend visite régulièrement et continue à s’occuper de toutes les tâches administratives. Il dispose de ce droit de par la loi. Néanmoins, si Monsieur W. veut vendre la maison familiale commune pour pouvoir emménager dans un appartement plus petit, il a besoin du consentement de l’autorité de protection de l’adulte.

    Si des tiers demandent une preuve du pouvoir de représentation, l’autorité de protection de l’adulte doit, sur demande, délivrer un document attestant ce pouvoir. Ce faisant, l’autorité peut examiner si le pouvoir légal de représentation suffit ou si d’autres mesures sont nécessaires pour protéger la personne devenue incapable de discernement. L’autorité peut, si besoin est, retirer partiellement ou totalement le droit de représentation et ordonner une curatelle. Toutefois, ce cas est rare ; il peut se produire s’il y a, par ex., un conflit d’intérêts.

    Que sont les directives anticipées du patient ?

    Dans des directives anticipées, une personne peut déterminer les traitements médicaux auxquels elle consent ou non dans une situation donnée, au cas où elle deviendrait incapable de discernement.

    Elle peut également désigner une personne de confiance qui, au cas où elle deviendrait incapable de discernement, sera appelée à s’entretenir avec les médecins sur les soins médicaux à lui administrer et à décider en son nom. Elle peut donner des instructions à cette personne et lui faire part de ses vœux. Elle peut prévoir un remplaçant pour le cas où cette personne déclinerait le mandat ou le résilierait, ce qui est permis dans tous les cas sans délai. De toute manière, il est toujours recommandé, avant de constituer des directives anticipées, de demander à la personne de confiance si elle est prête à accepter et à remplir un tel mandat.

    Exemple

    Madame S. est atteinte d’une grave maladie évolutive. Elle souhaite que, si son état de santé continue à se dégrader, on renonce à toute mesure destinée à prolonger la vie et qu’on ne lui administre plus que des antalgiques. Pour le cas où elle deviendrait incapable de discernement, elle inscrit ce vœu dans des directives anticipées. En même temps, elle indique que les médecins doivent discuter les décisions à prendre avec sa meilleure amie, Madame G. Elle s’est entendue avec elle à ce sujet avant de constituer les directives anticipées. Son amie et le médecin de famille reçoivent une copie des directives anticipées.

    Comment constitue-t-on des directives anticipées ?

    Pour constituer des directives anticipées, la personne doit être capable de discernement. En revanche, la capacité d’exercer les droits civils n’est pas une condition nécessaire. Cela signifie que les personnes qui sont placées sous curatelle de portée générale peuvent constituer des directives anticipées, à condition d’être capables de discernement. Les directives anticipées doivent être constituées sous forme écrite ; elles doivent être datées et signées par leur auteur. À la différence du mandat pour cause d’inaptitude, elles ne doivent cependant pas être écrites à la main par leur auteur de A à Z. Tant qu’une personne est capable de discernement, elles peuvent être révoquées en respectant les mêmes prescriptions quant à la forme.

    Sur Internet, il est possible de télécharger différents formulaires de directives anticipées. Ils sont accompagnés de remarques explicatives. Les modèles les plus connus sont ceux de la Fédération des médecins suisses (FMH), de la fondation Dialog Ethik, de Caritas et de la CRS (Croix Rouge Suisse).

    Les directives anticipées ne peuvent aboutir à l’effet voulu que si le personnel médical en a connaissance au moment décisif. Il est donc judicieux d’en remettre une copie au médecin de famille et à d’éventuelles personnes de confiance. La loi signale la possibilité de faire inscrire sur la carte d’assurance-maladie la constitution et le lieu de dépôt des directives anticipées.

    Dans quelle mesure les directives anticipées sont-elles contraignantes ?

    Lorsqu’une personne est devenue incapable de discernement et qu’il faut prendre une décision sur les mesures médicales à appliquer, les médecins doivent tout d’abord chercher à savoir s’il existe des directives anticipées. Souvent, la carte d’assuré fournit des indications à ce sujet. Les médecins ne doivent renoncer à clarifier ce point que dans les cas d’extrême urgence où il faut agir immédiatement.

    S’il existe des directives anticipées, les médecins doivent s’y conformer. Il ne peut y être dérogé qu’exceptionnellement, lorsqu’il existe des doutes sérieux et fondés que les directives anticipées ont été données de libre volonté et qu’elles correspondent encore à la volonté présumée du patient ou de la patiente. Dans ce cas, les médecins doivent mentionner dans le dossier médical les raisons pour lesquelles les directives anticipées n’ont pas été respectées. Plus les directives anticipées sont récentes, moins il sera possible de douter qu’elles correspondent encore à la volonté présumée du patient. Il est donc recommandé de les renouveler de temps en temps.  

    L'autorité de protection de l'adulte n'a pas un rôle essentiel à jouer dans le contexte des directives anticipées : d’une part, elle n’intervient que sur demande écrite d’une personne proche du patient et, d’autre part, elle n’intervient que lorsqu’elle constate qu’une directive anticipée n’est pas respectée, que les intérêts de la personne incapable de discernement ne sont plus préservés ou que les directives anticipées ne reposent pas sur sa libre volonté : Dans ces cas, elle peut prendre des mesures pour garantir les intérêts de la personne incapable de discernement.

    Qui représente une personne incapable de discernement lorsqu’il faut prendre une décision au sujet de traitements médicaux ?

    En principe, les traitements médicaux ne peuvent être appliqués qu’avec le consentement du patient. Un consentement suppose toutefois que la personne soit en mesure de juger si elle souhaite les conséquences d’un traitement ou d’une intervention donnés et soit prête à en accepter les risques. Le consentement suppose donc la capacité de discernement. Qui prend la décision lorsqu’une personne est incapable de discernement ?

    S’il existe des directives anticipées ou un mandat pour cause d’inaptitude, le médecin doit discuter les mesures qu’il juge nécessaires avec les personnes désignées comme représentants dans les directives anticipées ou le mandat pour cause d’inaptitude. Sauf dans les cas d’extrême urgence, il ne peut prendre des mesures qu’avec le consentement de ces représentants. Si les directives anticipées ne renferment pas d’indications, le représentant doit sauvegarder les intérêts de la personne incapable de discernement selon la volonté présumée de celle-ci. Il s’agit d’une tâche exigeante. Il est plus facile d’y faire face si des entretiens à ce sujet ont eu lieu avant la survenance de l’incapacité de discernement.  

    Même s’il n’existe ni directives anticipées ni mandat pour cause d’inaptitude, le médecin ne peut pas librement décider (sauf dans les cas d’extrême urgence) des mesures médicales à prendre, mais doit, pour toutes les interventions importantes, demander le consentement de la personne habilitée à représenter le patient. La loi énumère les personnes habilitées à représenter le patient dans l’ordre suivant :

    • le curateur, si celui-ci a pour tâche de le représenter dans le domaine médical
    • le conjoint ou le partenaire enregistré, s’il fait ménage commun avec lui ou s’il lui fournit une assistance personnelle régulière
    • la personne qui fait ménage commun avec lui et qui lui fournit une assistance personnelle régulière
    • les descendants, s’ils lui fournissent une assistance personnelle régulière
    • les père et mère, s’ils lui fournissent une assistance personnelle régulière
    • les frères et sœurs, s’ils lui fournissent une assistance personnelle régulière

    Exemple

    Monsieur G., âgé de 36 ans, a un handicap mental et vit avec ses parents qui s’occupent personnellement de lui. Il n’est pas sous curatelle et n’a pas constitué de directives anticipées. À cause de différents problèmes cardiologiques, l’état de santé de Monsieur G. s’est considérablement dégradé. Il faut décider si des opérations associées à des risques importants doivent être pratiquées. Le médecin parvient à la conclusion que Monsieur G. n’est pas capable de discernement. Dans ce cas, ce sont les parents de Monsieur G. qui sont habilités à le représenter. Ils doivent donner leur consentement aux interventions proposées par les médecins, en prenant cette décision selon la volonté présumée et dans l’intérêt de leur fils. Ils doivent aussi, dans la mesure du possible, associer leur fils à la prise de décision.  

    Si plusieurs personnes possèdent le pouvoir de représentation (par ex. trois filles), le médecin peut partir du principe que chacune d’elle agit en accord avec les autres. Si l’une des filles a donné son consentement, il ne doit pas demander également l’approbation des autres.
    Si un représentant légal se sent dépassé par la tâche ou si plusieurs représentants occupant le même rang dans l’ordre de priorité ont des avis différents sur le traitement médical adéquat, il est possible de demander à l’autorité de protection de l’adulte d’instituer un curateur.
    Dans les cas d’urgence, lorsqu’il faut agir rapidement sans pouvoir demander l’avis des représentants légaux, les médecins peuvent prendre la décision eux-mêmes. Ils doivent tenir compte de la volonté présumée et des intérêts de la personne incapable de discernement.

    Bases légales

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