Capacité de discernement et capacité d’exercer les droits civils

Le droit de la protection de l’adulte a pour but de protéger les personnes qui ne sont pas en mesure d’exercer leurs droits et de faire face à leurs devoirs suffisamment, à cause d’un handicap mental, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse. Avant de présenter les mesures personnelles anticipées et les mesures des autorités, il est nécessaire d’expliquer brièvement les notions de capacité de discernement (et d’incapacité de discernement) et de capacité d’exercer les droits civils (ou d’incapacité d’exercer les droits civils). Nous allons aussi exposer quelles sont les conséquences de l’absence de capacité de discernement et de capacité d’exercer les droits civils.


    Capacité de discernement et capacité d’exercer les droits civils

    La capacité d’exercer les droits civils est définie comme la capacité d’acquérir et de s’obliger. Selon le droit suisse, est réputée capable d’exercer les droits civils toute personne qui d’une part est majeure (c’est-à-dire âgée de 18 ans) et d’autre part capable de discernement. À l’inverse, est réputée incapable d’exercer les droits civils toute personne qui est soit mineure, soit placée sous curatelle de portée générale, soit incapable de discernement.

    La capacité de discernement joue donc un rôle déterminant lorsqu’il s’agit de savoir si une personne est capable d’acquérir et de s’obliger : est réputée capable de discernement la personne qui, dans une situation concrète, peut agir « raisonnablement », qui comprend donc la portée de ses actes et est capable de se comporter conformément à ce jugement. Si une personne est incapable de discernement, elle ne peut, en règle générale, pas effectuer d’actes ayant un effet juridique. Une affaire conclue reste donc sans effet et doit, le cas échéant, être annulée.  

    En principe, personne n’est incapable de discernement et donc incapable d’exercer les droits civils sa vie durant. On peut uniquement nier de manière générale la capacité de discernement aux personnes ayant un grave handicap et aux personnes âgées atteintes de démence. Sinon, on évalue toujours l’existence d’une capacité de discernement pour chaque acte pris isolément. Il peut donc très bien se faire qu’une personne soit capable de discernement pour certains actes mais qu’elle soit incapable de discernement pour d’autres.

    Exemple

    Monsieur P., âgé de 30 ans, présente d’importantes difficultés d’apprentissage. Cependant, il peut très bien acheter lui-même sa nourriture. Pour ces actes, il doit être considéré comme capable de discernement. Toutefois, la souscription d’un crédit bancaire dépasse très probablement ses capacités cognitives. Il ne pourra donc accomplir un tel acte valablement qu’avec le consentement de son représentant ou sa représentante légale.

    Quels droits peuvent exercer les personnes capables de discernement mais privées de l’exercice des droits civils ?

    Si, dans une situation concrète, une personne est capable de discernement mais incapable d’exercer les droits civils parce qu’elle est mineure ou qu’elle est placée sous curatelle de portée générale, elle ne peut, en règle générale, contracter une obligation ou renoncer à un droit qu’avec le consentement de sa représentante ou de son représentant légal.

    Il existe toutefois trois exceptions à ce principe :

    • La personne n’a pas besoin de ce consentement pour acquérir à titre purement gratuit (par ex. bénéficier de donations ou d’héritages).
    • Elle peut aussi, sans le consentement de sa représentante ou de son représentant légal, régler les affaires mineures se rapportant à sa vie quotidienne (par ex. acheter des produits alimentaires).
    • Elle peut aussi exercer divers droits strictement personnels sans le consentement du représentant ou de la représentante légale (voir plus bas).

    Dans tous les autres cas, le consentement du représentant légal est nécessaire. En l’absences d’autres dispositions légales, ce consentement peut être donné expressément ou tacitement par avance. Le représentant légal peut aussi ratifier l’acte après coup. Si le consentement est refusé, chaque partie peut, dans la mesure du possible, réclamer les prestations qu’elle a fournies. La personne privée de l’exercice des droits civils ne répond toutefois que jusqu’à concurrence des sommes dont elle a tiré profit ou dont elle se trouve enrichie au moment où les prestations sont réclamées.

    Exemple

    Madame A. vit avec une déficience intellectuelle. Elle s’intéresse aux animaux et a commandé, auprès d’une maison de vente par correspondance, une encyclopédie des animaux d’une valeur de 1550 francs. L’ayant appris, son représentant légal refuse de donner son consentement à cet achat, étant donné que Madame M. ne dispose que de modestes moyens. Le premier volume, déjà livré, doit être retourné, et un éventuel acompte remboursé.

    Droits strictement personnels

    Les droits strictement personnels sont les droits qui ne souffrent aucune représentation en raison de leur lien étroit avec la personnalité. Les personnes capables de discernement mais privées de l’exercice des droits civils (mineurs, personnes placées sous curatelle de portée générale) exercent leurs droits strictement personnels de manière autonome.

    Font notamment partie de ces droits strictement personnels :

    • le droit de décider de son appartenance religieuse après avoir atteint l’âge de 15 ans révolus
    • le droit de consentir à des traitements médicaux
    • le droit de se marier et de présenter une demande de divorce
    • le droit de faire ou de révoquer un testament ou encore de conclure un pacte successoral
    • le droit de reconnaître un enfant

    Pour ces actes, le représentant ou la représentante légale n’a pas le droit d’agir comme représentant d’une personne capable de discernement. Toutefois, pour certains droits strictement personnels, la loi prévoit que la représentante ou le représentant légal (parents, curateur ou curatrice) doit donner son consentement. Tel est notamment le cas pour la reconnaissance d’un enfant ou pour la conclusion d’un pacte successoral.  

    Si une personne est incapable de discernement, on fait la distinction entre les droits strictement personnels absolus et les droits strictement personnels relatifs. Dans le cas des droits strictement personnels absolus, ni la personne incapable de discernement ni la représentante ni le représentant légal ne peuvent exercer le droit. Il est par exemple interdit à une personne incapable de discernement de contracter le mariage, de faire un testament ou de signer un pacte successoral à titre de disposant. Dans le cas des droits strictement personnels relatifs, la représentante ou le représentant légal peut, en revanche, agir à la place de la personne incapable de discernement. Il peut, par exemple, donner son consentement pour les interventions médicales courantes.

    Exemple

    Monsieur S. est placé sous curatelle de portée générale. Depuis assez longtemps, il est soigné à cause d’une grave pathologie de la hanche. Le médecin propose de lui poser une prothèse de l’articulation de la hanche. Il est décisif de savoir si Monsieur S. peut être considéré comme capable de discernement ou non au sujet de la décision « strictement personnelle » à prendre (consentement à l’intervention proposée). Le médecin doit essayer de le découvrir lors de l’entretien qu’il aura avec son patient. Si Monsieur S. est capable de discernement, en d’autres termes, s’il peut apprécier la portée de l’intervention ainsi que les chances et les risques qui y sont liés, il doit donner personnellement son consentement à l’intervention. S’il n’est pas en mesure de le faire, cette décision revient à son curateur ou à sa curatrice.

    Bases légales

    • Capacité d’exercer les droits civils, incapacité d’exercer les droits civils :
      art. 13 et 17 CC
    • Capacité de discernement :
      art. 16 CC
    • Droits des personnes incapables d’exercer les droits civils mais capables de discernement :
      art. 19 -19b CC
    • Droits strictement personnels :
      art. 19c CC

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